Bâtiments anciens leur donner une seconde vie
Puissant indicateur de l’évolution des pratiques en agriculture mais aussi de la réglementation et des besoins sociétaux, le bâti ancien agricole connait depuis la fin de la crise sanitaire un regain d’intérêts, en particulier de la part des jeunes.
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Les urbanistes et élus locaux ont fait de la lutte contre l’artificialisation des sols portée par la loi Climat et résilience, leur nouveau cheval de bataille. Non sans zèle. Certains n’hésitent plus en effet à désigner les agriculteurs comme « ceux qui se permettent encore d’artificialiser ». Dans leur ligne de mire, la moindre construction d’un nouveaux bâtiment agricole cristallise leur attention. Seulement quand l’outil de travail ne correspond plus aux normes ou n’est plus fonctionnel ni pour l’homme, ni pour l’animal, ni pour la rentabilité de l’exploitation et que le temps de travail se voit trop contraint, quelle solution pour continuer à développer son activité ?
« Petit patrimoine »
Les agriculteurs n’ont pas attendu l’objectif du « zéro artificialisation nette » pour comprendre l’intérêt de leur bâti ancien et le restaurer, quand c’est possible et surtout quand il existe. L’urbanisation et la disparition de nombreuses exploitations compromettent en revanche cette architecture vernaculaire souvent qualifiée de « petit patrimoine » qui n’a pas toujours connu pareille lumière.
« C’est un patrimoine que l’on connaît mal, reconnaît Gilles Alglave, président de Maisons paysannes de France, une association de sauvegarde du patrimoine rural bâti et paysager. Il existe peu d’écrits sur le sujet. Les agriculteurs sont d’abord des faiseurs et souvent des taiseux. Pourtant ce patrimoine existe, Mais tous ces bâtiments sont en effet en grand danger, parce que quasiment plus personne ne détient ce savoir-faire ancien ». Leur rénovation bénéfice par ailleurs de quelques soutiens financiers de la part des collectivités territoriales et de l’Union européenne, mais l’essentiel reste à la charge du propriétaire. « Vivre dans la maison de ses ancêtres est devenue un grand privilège », soutient Gilles Alglave.
Eco-responsable
Réalisées avec les moyens du sol, de manière durable et locale, ces constructions n’ont pourtant jamais autant convenu aux critères d’exigence de l’époque. La crise sanitaire a d’ailleurs été marquée par un regain d’intérêt, en particulier des jeunes, notamment des futurs installés, pour ces édifices agricoles (lire page XX). L’éventail de leur fonction s’est aussi élargi. « Un bâtiment n’est pas un objet de contemplation, poursuit le président de Maisons paysannes de France. Bergerie, pressoir, lavoir… sont avant tout des outils qui évoluent au gré des besoins. Certaines granges ont d’ailleurs été construites dans l’idée qu’elles pouvaient évoluer. Mon fils vient d’en restaurer une datant du XVIIème siècle, des emplacements « fenêtres » avaient été pensés dès le départ.»
Certains choisissent d’en faire un lieu d’habitation ou de location touristique, d’autres d’engager une nouvelle production ou de se diversifier en y installant un laboratoire de transformation ou un point de vente.
Favorable à l’installation
Dans la Loire, l’un des départements les plus jeunes de France, marqué en particulier par un fort étalement urbain ces dernières années, les bâtiments qui partent en friche sont rares. « Les agriculteurs leur trouvent le plus souvent un usage, explique Nadine Croizier de la chambre d’agriculture de la Loire. On n’a pas les moyens de s’en passer, notamment pour stocker le matériel et le fourrage. Quand le bâti ancien présente des caractères architecturaux intéressants et qu’il est en lien avec l’exploitation, il peut être transformé en gîte. » De jeunes agriculteurs s’installent par ailleurs à la suite de leurs parents ou de cédants, en changeant la production de l’exploitation : « Nous travaillons beaucoup sur la transmission en aidant les agriculteurs qui ont la cinquantaine à réfléchir à l’avenir de leur site et de leurs bâtiments, ainsi qu’en accompagnant ces jeunes qui veulent s’installer dans d’autres conditions que leurs prédécesseurs. Il convient alors de bien analyser les contraintes de la nouvelle production ».
Forte demande des Bretons
Les règles d’urbanisme doivent aussi être regardées en détail. « Des agriculteurs renoncent à valoriser l’ancien, car leur démarche nécessite un changement de destination de leur bâti », explique Isabelle Perry, en charge de l’agritourisme pour les chambres d’agriculture France et exploitante dans les Vosges. Contrairement à la vente directe, l’agritourisme n’est en effet pas pris en compte comme un prolongement de la production, mais comme une diversification, selon la loi Elan de 2018. « L’activité n’est pas considérée comme agricole. Donc il faut changer de nominations les bâtiments agricoles. Si le plan local d’urbanisme (PLU) ne le prévoit pas, ça devient compliqué ».
A travers son réseau Bienvenue à la ferme, les chambres d’agriculture se sont associées à la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA), pour défendre le tourisme à la ferme comme un prolongement de l’activité agricole auprès du gouvernement. Des discussions sont en cours. Isabelle Perry souligne en particulier « une très forte demande » de changement de destination des bâtiments de la part des agriculteurs bretons.
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